Près de trois cents ans avant J.-C., Pyrrhos II (Pyrrhus en latin), roi d’Epire, une contrée du nord-est de la Grèce, vainquit les Romains, avec des éléphants quelques décennies avant Hannibal, mais au prix de lourdes pertes. D’où l’expression : « Victoire à la Pyrrhus. »
Sans l’aide de pachydermes, les troupes de Julien Sarraute et Fabien Berneau ont battu vendredi celles de Narbonne, 24 à 12, pour le compte de la 26e journée de Pro D2 en subissant une déferlante de blessures : tour à tour, Johan Deysel, en inscrivant le premier essai, Hugo Pirlet, son remplaçant Beka Sheklashvili et Hika Elliot —les deux derniers nommés n’ont passé qu’une dizaine de minutes sur la pelouse — ont été frappés. Et Youssef Saaidia, contraint de revenir sur le pré à la place de Hika Elliot, est ressorti, après avoir écopé d’un carton jaune, avec une épaule endolorie à sept minutes de la fin. L’automne au printemps. Souvenez-vous de « l’oiseau déplaisant qu’il faut empêcher de se poser sur soi » cité par Donat Coste pour évoquer la malchance. Faute d’un nombre suffisant de joueurs en première ligne, la rencontre s’est terminée avec des mêlées simulées et un deuxième Columérin en moins pour respecter la règle de la carence.
La victoire a ainsi laissé un goût d’amertume car la perte du bonus offensif dans les vingt dernières minutes — le corollaire de la vague de blessures ? Pas uniquement — a entraîné une énorme frustration dans les rangs. Face à des Audois courageux, jouant crânement le coup alors qu’ils ont un pied et quatre orteils en Nationale, les Columérins, malgré une prestation en demi-teinte, semblaient tenir leurs cinq points à 24-0 après leur troisième essai signé Valentin Saurs qui suivait celui de Thomas Dubois, honoré pour ses deux cents matchs sous le maillot de la Colombe. Mais ils ont balbutié leur rugby dans une partie où ils ont battu leur record de ballons égarés (23 dont 5 en touche). Le précédent (20) datait du 10 septembre, jour de la venue d’Aurillac. Pourtant animés d’une bonne volonté, ils se sont notamment entêtés dans les rucks au lieu d’essayer de déplacer leurs adversaires et ils ont perdu la maîtrise des événements avec un collectif se délitant au fil du temps.
Les mines n’étaient donc pas des plus réjouies au terme des débats. Le point lâché pourrait coûter cher à l’heure du bilan. En attendant, Colomiers, sixième avec 66 points comme Carcassonne (5e), n’a qu’une longueur de retard sur Nevers (4e), mais Provence et Montauban (63 points) sont menaçants sans oublier Béziers (61). Avec six prétendants pour trois places en play off derrière le trio des intouchables, la fin de parcours s’annonce épicée.
Les Columérins peuvent toujours y croire. « Vivre sans espoir, c’est cesser de vivre »(Dostoïevski). Ce vendredi, avec un ensemble remanié par la force des choses, ils joueront à Vannes (12e) face à une équipe qui n’ambitionne plus que le meilleur classement possible. Nos Columérins n’y ont jamais gagné depuis l’accession des Bretons en Pro D2…
Jean-Paul Pronzato
