« Tra il dire e il fare çè di mezzo il mare », dit un proverbe italien. Littéralement : « Entre le dire et le faire il y a la mer au milieu ». Plus prosaïquement : « Plus facile à dire qu’à faire ». S’imposer à Vannes s’apparentait à une mission des plus délicates pour les Columérins. Ils n’y avaient gagné qu’une fois, 13 à 10, le 30 octobre 2011, au temps de la Fédérale 1. Depuis l’accession des Bretons en Pro D2 en 2016, ils s’y étaient toujours inclinés, plus ou moins lourdement (de -4 à -37). Mais, vendredi, ils l’ont fait.
La Bretagne, nul ne l’ignore, est sujette à des tempêtes. Elles s’y expriment assez régulièrement. Elles remontent même dans le golfe du Morbihan jusqu’au stade de la Rabine. Sur des flots agités par le souffle des Vannetais, le navire de la Colombe, ballotté par moments, n’a pas sombré. « Fluctuat nec mergitur », avec des marins en mode copains d’abord. Il est arrivé à bon port, celui de la victoire, 24 à 19. D’autres résultats favorables lors de la 27e journée ont permis à Colomiers (6e) de prendre une option sur la qualification. Provence et Montauban accusent un retard de sept points, Béziers de neuf. Cependant, rien n’est acquis. Il reste trois matchs. Le moindre accroc, surtout à domicile, peut rebattre les cartes et l’irrésistible leader montois sera ce vendredi à Michel-Bendichou.
À Vannes, nous avons craint le pire avant la pause avec un arbitrage souvent incompréhensible à l’encontre des visiteurs (10 pénalités à 4 au repos). Du genre à suggérer à l’homme au sifflet de rejoindre la cabane au fond du jardin. Fort heureusement, les Columérins ont pu par la suite obtenir un « rabais » de 50% sur la note des sanctions. La rencontre n’a pas atteint les sommets du rugby, mais elle a tutoyé ceux du suspense avec un incessant chassé-croisé au tableau d’affichage. Et tout de même quelques actions de haute volée comme celle qui a conduit au premier essai columérin, en première main. Edoardo Gori l’a initiée derrière sa mêlée puis Maxime Javaux, deux fois, Fabien Perrin et Valentin Saurs lui ont servi de relais avant de l’envoyer dans l’en-but. De la belle ouvrage dans un premier acte marqué par un festival d’imprécisions de part et d’autre.
À défaut de maîtriser pleinement le jeu, les hommes de Julien Sarraute et Fabien Berneau ont maîtrisé le contexte face à des Vannetais avides de rachat devant leur bouillant public. Avec beaucoup d’envie – « Le talent c’est avoir envie de faire quelque chose », disait Jacques Brel –, du courage, de la volonté, animés d’un état d’esprit de mousquetaires (« Un pour tous, tous pour un »), ils sont parvenus à leur fins avec un deuxième essai signé Peni Rokoduguni répondant à celui de Patrick Leafa. Et un grattage du pilier espoir Robin Bellemand (20 ans), décisif pour sa première apparition à ce niveau, a offert une ultime opportunité à la botte précise de Thomas Girard.
Voilà. Le dessert est presque servi. MM. Les Columérins, ne gâchez rien.
Jean-Paul Pronzato