Charlie Watts, le « so british » flegmatique batteur des Rolling Stones qui nous a quittés la semaine dernière, était du genre taciturne. Sa parole était rare. Inconsciemment les Columérins ont-ils voulu lui rendre hommage vendredi, face aux Aixois, pour l’ouverture du championnat de Pro D2, en faisant preuve de mutisme rugbystique en première mi-temps pour se retrouver menés 19 à 3? Avant une révolte tonitruante avec tambours et trompettes afin de décrocher un renversant succès, 34 à 19.
Lors du premier acte, les hommes de la Colombe, certes animés de bonnes intentions mais tendus et brouillons, s’étaient sans cesse empêtrés dans les filets de la défense adverse. À coups de passes hasardeuses, d’excès de nervosité – la tension régnait dans les deux camps –, indisciplinés, sans voix et sur la mauvaise voie, ils avaient alors enchaîné les erreurs dont les Provençaux, sans dominer, s’étaient nourris pour prendre le large à la marque. Seule leur résistance en double infériorité numérique en fin de période nous avait permis d’entrevoir leur caractère.
C’était avant la métamorphose constatée dès la reprise. Si Mick Jagger n’était pas présent pour envoyer «Satisfaction» ou «Jumpin’ Jack Flash», le «boys band» columérin se faisait entendre en entonnant un rugby enthousiaste empli de mouvements pour donner le tournis aux Aixois. Le retour de la discipline (une seule pénalité concédée en deuxième mi-temps, dans les ultimes minutes) et la fraîcheur apportée par le banc – le rugby se joue à XV, un match à XXIII – permettaient d’enfoncer le clou. Trois essais, signés Johan Deysel (une réalisation en première main) et Thomas Girard, auteur d’un doublé et de 29 points au final, et les Provençaux, médusés, encaissaient un 31 à 0 lors de ce second acte « rock’n’roll ».
Les fans de la Colombe venaient de passer de la crainte à l’espoir. L’espoir d’une bonne saison. Mais ce n’est que le début du marathon. Confirmer dès jeudi à Oyonnax – cette formation a affirmé ses ambitions en gagnant à Grenoble – n’aura rien d’évident. Même si la pression sera sur les épaules des «Oyomen». En attendant, ce succès inaugural mérite bien un roulement de tambour. R.I.P. Charlie.
Jean-Paul Pronzato